🇲🇦 Les Berbères de l'Atlas
Le Maroc est un grand pays où cohabitent plusieurs ethnies différentes, qui se mélangent plus ou moins mais gardent des identités propres. Les deux principales familles sont les Berbères (qui s'appellent eux-mêmes les Amazigh), population autochtone et les Arabes, venus de la péninsule arabique au VIe siècle 👳 Les premiers vivent principalement dans les régions pauvres et rurales du centre du pays alors que les seconds se retrouvent plus près des côtes et dans les grandes villes. D'après les Berbères que nous avons rencontré, ils ont longtemps été stigmatisés, mais depuis le règne de Mohammed VI les choses changent doucement dans le bon sens 😀 Il y a moins de différence entre les citoyens en fonction de leur origine et la langue amazigh a été reconnue comme l'une des langues officielles du Maroc. D'ailleurs la plupart des bâtiments portent maintenant au moins leur nom dans l'alphabet arabe et dans l'alphabet amazigh composé de drôles de petits symboles 😚
Ce petit paragraphe qui résume plusieurs bribes de conversations, nous met dans l'ambiance car après Goulmima qui n'est déjà pas très touristique, nous entrons vraiment dans l'Atlas profond ce 8 décembre ⛰️ Nous avions initialement prévu des visiter les gorges du Dades, que nous avons finalement annulé à cause de la trop grande fréquentation du lieu, puis celles de la Todra, également sautées pour les mêmes raisons 😅 L'inconvénient de vouloir sortir des sentiers battus c'est qu'il n'y a évidemment pas d'informations touristiques sur internet ou dans les guides. En glanant des conseils ça et là, nous nous rendons finalement à Imider où, d'après les descriptions d'itinéraires de l'internet et les vues satellites de Google Maps, nous arrivons finalement à bricoler une randonnée sympa dans les gorges du Gheris, en plein territoire berbère ☺️
La route est à peine bitumée et lorsque nous arrivons à Imider nous avons quelques difficultés à nous garer 😮 Lorsque nous nous installons sur un bas côté approprié, l'homme à qui appartient la maison sort avec le sourire, nous propose un thé et nous indique que nous pouvons rester sans soucis garés ici toute la journée 😄 Il déplace même quelques pierres devant chez lui afin que nous puissions encore moins empiéter sur la route. Lui par contre peut à peine entrer par sa porte 😁 Sa femme, ne parlant pas français, accueille Lucie en lui disant que sa maison est notre maison et qu’elle surveillera notre maison roulante comme la sienne. De cette gentillesse ils n'attendront rien et nous laisseront partir sans rien dire quand nous les remercierons chaleureusement à notre retour. Mais revenons à notre randonnée. Nous savons globalement le parcours que nous voulons faire mais nous n'avons pas forcément les détails 😁 Cela nous pose soucis dès le départ, car les sentiers (quand ils existent) ne sont pas du tout balisés. Ils servent essentiellement aux femmes du village qui viennent récolter sur les pentes de la gorge du fourrage pour leur animaux 🌿 Il n'y a pas d'âge pour travailler pour les femmes. Jeunes ou vieilles, elles trimballent sur leur dos des gros fagots d'herbes fraîches, tout en montant plus vite que nous 😮 Bon, il faut dire que l'on regarde où l'on marche sans arrêt car nous nous tromperons de chemin plusieurs fois ; souvent pour monter un peu plus haut il faut profiter d'une anfractuosité discrète pour gagner quelques mètres d'élévation. Sans cela, la sanction se découvre un peu plus tard en arrivant en bas d'une paroi à pic impossible à grimper 😭 Une fois que nous avons atteint l'altitude de 1700 m et que nous n'avons plus de traces GPS à suivre, nous prenons notre pique-nique en observant la vue, avant de redescendre vers le village 😛
Imider est initialement un village troglodyte, mais la plupart de ces habitats ont été détruits lors du dernier séisme de 2023. Seuls quelques habitants y vivent encore mais la plupart logent maintenant le long de l'oued Gheris depuis la reconstruction. Alors quand on nous dit "troglodyte", on s'attendait à des pièces creusées à même la roche mais en vrai les petits immeubles qui peuvent avoir un ou deux étages sont surtout protégés par le dessus de la falaise qui les abrite et utilisent les parois comme elles sont ⛰️
Après une nuit passée au milieu de rien mais toujours avec la couverture 4G 🙃 nous nous rendons à un nouvel objectif : une mine de sel. C'est en suivant notre GPS que nous arrivons dans le petit village d'Aït Daoud, incertains de la manière dont nous allons pouvoir visiter la fameuse mine dont nous n'avons qu'entendu parler 🤔 Le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils ne doivent pas souvent voir passer des camping-cars car les gamins qui jouaient dans la rue se sont mis à nous courser et à ouvrir la porte du camping-car alors que nous roulions à petite vitesse à cause de l'état de la piste. Lucie les mettra en fuite en passant sa tête par ladite porte accompagné d'un "non mais ho !" bien senti 🤬
Après cette intrusion, Matthieu n'est pas super chaud pour laisser le bolide dehors sans surveillance pendant qu'on part en exploration 😱 C'est alors que nous rencontrons Brahim, qui était sorti dans la rue, probablement interpellé par le bruit de notre moteur. Brahim tient une auberge et quand nous lui parlons de nos intentions il nous propose immédiatement de laisser notre bolide dans sa cour fermée et de nous servir de guide pour les mines de sel. Choses que nous nous empressons d'accepter avec plaisir 😀
Brahim tient son auberge depuis plus de 20 ans et habite dans son village depuis sa naissance. Il connaît donc particulièrement bien les moeurs de la région. Avant d'entrer dans le vif du sujet il nous invite tout d'abord à prendre un thé chez lui. Pas dans son auberge non, chez lui dans sa maison 🤯 Nous pénétrons dans la salle principale recouverte de tapis et où des oreillers bordent tout le tour de la pièce. Après avoir rencontré la femme et les enfants de Brahim, le thé promis s'accompagne de pain et de sardines à la tomate écrasées, une grande découverte culinaire pour Lise et Albin 😋
L'après-midi est déjà bien entamée quand nous nous mettons en route vers les mines de sel 🧂 Le chemin passe par le lit de l'oued qui n'est qu'un petit filet d'eau à cette période de l'année. Un hasard providentiel fait qu'une camionnette, un spectaculaire Ford Transit de la même génération que notre camping-car, fasse justement la même route. Brahim négocie deux secondes avec le chauffeur et nous voilà tous installés dans la benne, accompagnés de deux des enfants des occupants de la cabine. Rassurez-vous les enfants sont uniquement là pour passer le temps et non travailler car ce sont les vacances, ils n'ont pas école 🎒 Il ne sera jamais question d'argent pour cet autostop sauvage, un simple sourire et un moment passé ensemble sera suffisant pour ces berbères à la générosité naturelle 😀
Le lit de l'oued est composé pour l'essentiel de gros rochers bien arrondis 🪨 La conséquence directe c'est que la benne tressaute beaucoup, notre confort est donc tout relatif. Après une bonne vingtaine de minutes de ce douloureux traitement, nous sommes aux pieds de la mine et il est temps de présenter les protagonistes de ce moment irréel. Nous, bien sûr, venons en touristes avec Brahim. Les deux personnes de la camionnette avec leurs enfants sont les transporteurs de sel : ils viennent jusqu'à la mine et rapportent le sel en ville. Mais ils ont d'autres activités de transport, le sel n'est qu'un colis comme tant d'autres. À la mine, il y a deux mineurs qui eux vont chercher le sel au fond tous les jours pour le ramener à la surface. Nous les verrons très peu car ils seront occupés à charger la camionnette pendant que nous visitons la mine 🥵 Enfin, un berger nomade qui passait par là chercher du sel pour ses animaux complète cette assemblée hétéroclite.
L'accès à la mine est un peu scabreux, des marches sont creusées à même la terre et il faut bien faire attention pour ne pas glisser. Enfin pour nous hein, les locaux ils remontent en claquettes avec des sacs de sel sur le dos sans soucis 😬 À peine arrivés nous nous voyons offrir un thé, en échange duquel nous sortons des dattes 🫖 À l'intérieur de la caverne le spectacle est magnifique près de l'entrée car les cristaux de sel réfléchissent la lumière. A priori la mine ferait une centaine de mètres de profondeur mais nous n'oserons pas aller plus loin qu'une dizaine de mètres 😨 C'est qu'il fait noir et l'absence de renforts ne sont pas pour nous rassurer.
Pour extraire le sel, les mineurs utilisent un outil ressemblant à une demi-pioche, montée sur un manche flexible. D'après ce que nous avons compris c'est l'outil le plus commode et il ne demande pas de grande force physique. Cet outil a été taillé dans une pièce de métal de camion par les forgerons du village, nous avons l’impression qu’il est mutualisé entre les mineurs et laissé à disposition de celui qui travaille. Le manche en bois souple est régulièrement changé car il se durcit vite. Les parois de la mine sont donc couvertes de stries parallèles, ajoutant encore au côté graphique du lieu 🤩
La mine n'appartient à personne et tous les villageois sont libres d'y venir. Si auparavant mineur était un métier qui s'exerçait toute la vie, désormais les jeunes essaie autant que possible d'éviter ce métier dur et dangereux. Pour donner un ordre d'idée budgétaire, le sel en sortie de mine de vend à environ 0.60€ du kilo. En un mois, les deux mineurs que nous voyons ont réussi à sortir 1200 kg de sel. Si l'on soustrait le prix du transport de cette marchandise jusqu'à la ville (40€), cela leur laisse un salaire de 340€ chacun pour 30 jours de travail sans weekend. Non ce n'est pas énorme mais pour les marocains, il vaut mieux récupérer de l'argent de cette manière plutôt qu'en mendiant. D'ailleurs même si nous avons vu quelques mendiants dans les grandes villes, souvent la charité est demandée d'une manière détournée en vendant des petites choses comme des mouchoirs 🤧
Des petites histoires nous sont racontées par Brahim, notamment celle d’un vieux mineur enseveli 6 jours au fond d’une des mines 😱 Lorsque les villageois s’en sont rendu compte, ils ont tous abandonné leurs affaires courantes pour venir creuser la mine. De son côté, le mineur en a fait de même. Il en est sorti indemne mais n’est jamais retourné travailler 😐
Une fois notre visite terminée, nous repartons sur les sacs de sel chargés dans la benne de la camionnette 😉 Le trajet est plus confortable cette fois.
Nous nous arrêtons en chemin pour aller visiter d'autres mines. Dans le coin il n'y a pas que des mines de sel rouge comme celle que nous avons visité et destinées au bétail mais également des mines de sel blanc pour l'alimentation humaine 🧂
Il y a également des mines abandonnées car à force de creuser l'eau de l'oued s'est infiltrée à l'intérieur 💧 Cela pose d'ailleurs un grave problème car plus en aval, au village d'Aït Daoud par exemple, l'eau de l'oued est devenue extrêmement salée et n'est donc plus utilisable, tant pour l'agriculture que pour l'alimentation humaine 😔 Pour pallier cet inconvénient, le gouvernement marocain a installé un canal qui dévie une partie de l'eau de l'oued en amont et la fait parvenir jusqu'aux deux villages touchés. La répartition de l'eau est un sujet sensible et à l'endroit de séparation en deux du canal il y a un peu plus loin un mécanisme permettant d'inverser les deux flux d'eau (sous clé) afin d'être on ne peut plus certain que chaque village reçoive la même quantité d'eau 😲 Cet inversion de flux a lieu une fois par mois car Aït Daoud et son voisin Toumliline ne sont pas en guerre mais ils veulent partager le moins de choses possibles : par exemple les mariages mixtes, sans être strictement interdits, n'ont jamais lieu 🤨
Nous poursuivons notre visite en passant par ces canaux d’eau potable qui forment une cascade artificielle où les enfants viennent se baigner en été 🏊 Puis nous visitons l’ancien village et Brahim nous montre la maison de son enfance. À priori le village a été petit à petit abandonné suite à la construction de la route, chaque habitant voulant s’en rapprocher pour des raisons évidentes de facilité 😄
Une fois rentrés à l'auberge, nous passerons la nuit en sécurité dans notre camping-car, enchantés d'avoir pu entrer d'aussi près dans la vie de quelques Berbères de l'Atlas 🤩
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